Compter jusqu'à dix et découvrir le monde [PV Nolan]

Roxane sortait tout juste de la bibliothèque. Le temps était froid, l'hiver déjà bien entamé. La nuit était tombée depuis un petit moment. La jeune femme porta ses yeux sur l'immense dôme qui recouvrait cette partie de la ville, protégeant les Asariens des rayons ardents et mortels du soleil. Les étoiles se devinaient à peine du fait de l'importance des éclairages urbains. Roxane avait même plutôt l'impression de les deviner plus que de les voir. Peut-être les inventait-elle tout simplement. Elle avait rangé de nombreux ouvrages d'astronomie et cela avait peut-être eu pour conséquence de lui faire rêver les étoiles. Ce ne serait pas étonnant dans son cas. Elle avait tendance à se perdre parfois, souvent, dans ses rêveries. C'était là qu'elle se sentait souvent le mieux. Mais des rêveries éveillées, pas dans le sommeil. Ce dernier était plus synonyme de cauchemars que d'autre chose. Son enlèvement lui laissait des séquelles monstrueuses. Les cauchemars n'en étaient qu'une partie.

La blonde resserra son manteau sur elle et commença à avancer sur le trottoir. Logiquement, elle allait rentrer chez elle, comme chaque soir, se faire à manger, lire ou regarder la télé jusqu'à finir par s'endormir d'épuisement, cauchemarder, se réveiller en sueur pour ne pas dire en pleurs et tétanisée par les horreurs qu'elle aurait vu. Sa tête s'enfonça dans ses épaules. L'idée de se confronter à son quotidien ne la tentait pas vraiment. Son pas se ralentit. Les passants étaient peu nombreux ce soir ce qui rendait la demoiselle moins nerveuse qu'habituellement. Son médecin lui avait de multiples fois recommandé de se rendre dans des lieux publics, d'essayer de renouer le contact avec des semblables, de profiter de la vie mais c'était très compliqué pour elle. Pourtant, ce soir, elle se sentait davantage prête à affronter une foule qu'à se retrouver une nouvelle fois confrontée à ses peurs et à sa solitude.

Son pas reprit un rythme plus normal alors qu'elle changeait de direction, optant pour la partie commerciale d'Asaria. Elle n'aurait même pas besoin de changer de dôme. Roxane changea de trottoirs, traversa plusieurs rues. Elle n'avait aucune idée précise du lieu dans lequel elle voulait se rendre. Les rues devenaient de plus en plus animées au fur et à mesure qu'elle approchait des endroits où la vie nocturne battait son plein. Son courage commença alors à faiblir et elle commença à sentir les prémices d'un mal de tête. Pourtant, elle ne renonça pas. Elle ne voulait pas se défiler une nouvelle fois. Elle finit par se faufiler dans un hall avant d'émerger dans un des bars du coin. Aucune idée de là où elle était entrée, elle avait juste opté pour ce qui était le plus près d'elle alors qu'elle sentait le stress monter.

Il y avait un certain nombre de personnes dans le lieu. Roxane ne savait pas vraiment où elle était tombée mais se doutait bien qu'elle devrait pouvoir boire quelque chose. Elle ne se sentait pas vraiment à son aise avec ses cheveux attachés en queue de cheval, son manteau bleu marine très simple qui masquait un chemisier blanc et une jupe noire, des collants dans la même teinte et des chaussures à talons plats. Rien de clinquant, rien de voyant. Elle se fondait dans la masse. Elle n'était pas comme les autres femmes du lieu, belles, grandes, aux cheveux soyeux qui se balançaient dans tous les sens, aux sourires aguicheurs, aux lèvres teintes. Elle faisait tache dans le décor.

La jeune femme se déplaça le long du mur, laissant la place à d'autres personnes. Elle ne tenait pas à encombrer le passage mais ne trouvait pas non plus la force d'avancer. La peur montait et ça, c'était pas bon du tout.

« Mais qu'est-ce que je fais ici ? »

Elle ferma les yeux et essaya de contrôler sa respiration pour éviter la crise de panique. Il disait quoi le doc dans ces cas-là ? Fermer les yeux... ça c'était bon... Respirer profondément... c'était faisable mais elle ressentait d'autant plus les odeurs, les parfums, les gens... Compter lentement jusqu'à dix et affronter de nouveau le monde. Elle ne pouvait pas continuer à se terrer jusqu'à la fin des temps. La vie continuait qu'elle le veuille ou non.

« 1... 2... 3... »

Roxane parlait à voix très basse, chuchotant presque. Mais entendre sa propre voix aidait aussi à calmer sa peur. Quand elle ouvrirait les yeux, elle marcherait droit devant, irait commander un verre, le boirait et...

« 5... 6... 7... »

Allez, elle pouvait quand même bien le faire ! Des tas de gens allaient boire un verre. Pourquoi ne pourrait-elle pas en faire autant ? Elle n'était quand même pas blonde à ce point... au point d'avoir peur de son ombre quand même.

« 9... »

La fin était proche. Elle allait devoir ouvrir les yeux sur le monde et affronter ses craintes. Elle ne devait plus vivre dans cette peur des autres. Après tout, son enlèvement avait été réalisé par des humains pas par des Asariens. Elle ne devrait pas avoir peur des siens !

« 10 ! »

Elle prit une profonde inspiration avant d'ouvrir les yeux de nouveau.

Compter jusqu'à dix et découvrir le monde

Le Five était mon « bébé », celui que j’avais arraché aux griffes de mon père pour lui rendre sa liberté et aussi toute sa splendeur. Depuis plusieurs mois, je n’adressais plus la parole à cet homme, à celui en qui j’avais eu toute confiance depuis ma plus petite enfance. Cet homme que je ne reconnaissais plus en tant que père et cette situation faisait beaucoup de mal à ma mère. Mais je ne pouvais ignorer toutes les horreurs qu’il avait faite dans mon dos et soit disant pour mon bien.
J’avais viré tous « ses amis » du Five et mis du personnel compétant et aux petits soins pour les clients. L’établissement avait changé de réputation et aujourd’hui on y voyait de jeunes gens venir boire un dernier verre la nuit, des jeunes femmes seules passer une bonne soirée sans que rien ne viennent les déranger. Mon père avait lancé une plainte contre moi, mais il l’avait très vite retirée quand je lui avais montré les preuves accablantes de son meurtre sur mon ancienne esclave. Il m’avait répété en crachant sa colère sur moi que les humains n’avaient aucun droit de vivre et que même si j’étais son maitre, il avait lui aussi tous les droits sur cette chienne. Il avait fait une grave erreur en me prenant pour un gamin. J’étais en guerre contre lui et au milieu de tout cela, ma mère qui me téléphonait presque tous les jours pour me demander de faire la paix avec lui. Dans ce mauvais songe, j’ai eu au moins un moment de chance, quelques jours avant la perte de mon esclave, mon père m’avait fait signer les droits de propriété sur le Five. Il n’avait plus son mot à dire.

J’avais doté le Five de ses « Videurs », des gardes du corps expérimentés pour sécuriser les soirées des clients et aussi pour empêcher mon père et ses hommes de mains de venir troubler la quiétude de mon établissement.
Chaque soir vers 22 heures, je terminai toute la paperasse administrative et la gestion du Five. Je fermai mon bureau qui se trouvait à l’étage et je descendais me mêler à mes employés et à mes clients. La première chose que je faisais et qui me tenait à cœur était le tour de tout mon personnel auquel je serrai la main. S’il y avait un problème de commandes, d’épuisement de stocks, d’un souci de planning, d’un client trop désagréable et importunant mes serveuses, j’étais mis au courant immédiatement. C’était une façon pour moi de créer des liens avec ces femmes et ces hommes qui travaillaient pour moi. En total opposition à mon père et en accord avec les lois asariennes, j’employais des humains à certains postes du Five. J’avais aussi réussi à agrandir l’établissement. Nous n’étions plus seulement un bar, j’avais réussi mon pari d’établir une petite cartes d’encas salés et sucrés pour ceux qui avaient un petit creux la nuit et ça marchait très bien !

Après avoir discuté avec mon personnel, je me fondais dans la masse de mes clients que je venais saluer à leurs tables ou bien au comptoir, en échangeant quelques mots. Beaucoup désiraient savoir si le Five serait ouvert pour Noel et ma réponse fut « non ». C’était vrai qu’au temps de mon père, le bar était ouvert le 24 décembre au soir, mais pas avec moi. Je pensais à mes employés et à ceux qui avaient une famille, des enfants. Le Five tournait bien et c’était mon cadeau pour chacun d’entre eux. Je repris la direction du comptoir et mon chef barman posa devant moi un verre de whisky. C’était aussi un très grand ami.

- Il y a encore foule ce soir.

- Ça fait du bien de voir le Five évoluer et grandir.

- Regarde là-bas, derrière toi, près de l’entrée. Elle semble perdue.

Je me retournai pour chercher la femme que Colton venait de me décrire. Elle rasait le mur et elle ne paraissait pas vraiment à son aise ici. C’était aussi la première fois que je la voyais. J’avais une bonne mémoire de mes clients et cette jeune inconnue était une énigme.

- Elle a peut-être rendez-vous avec quelqu’un et elle n’ose pas s’avancer au milieu des clients. Je vais aller la voir.

Je laissai Colton à ses clients et je m’avançai vers elle. Je ne la quittai pas des yeux. Elle était réellement mal à l’aise. Tout dans ses gestes et son comportement me le faisait ressentir. Elle se plaqua contre le mur et je la vis fermer les yeux pour se donner du courage, chuchoter des mots que je lisais sur ses lèvres. J’accélérai mes pas je contournai des tables et à l’instant même où elle ouvrit les yeux, j’étais devant elle.

- Il ne faut pas être effrayée par le Five, c’est un endroit convivial et sécurisé.

J’avais devant moi une hirondelle apeurée et tétanisée par tout ce bruit autour d’elle. Je lui souris pour tenter d’apaiser sa crainte.

- Puis-je vous aider Mademoiselle ? Je suis le Propriétaire du Five. Je me nomme Nolan McGrath.

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Roxane essayait de se contenir et d'éviter d'avoir une crise de panique. Ce serait dommage après tous les efforts qu'elle avait fait. Elle qui s'était motivée à ne pas rentrer chez elle, à se perdre dans la foule sur les trottoirs avant de finalement parvenir à franchir les portes d'un bar de la cité. Non ! Elle refusait de céder à la panique. Cela signifierait qu'elle risquait devoir encore séjourner à l'hôpital et elle n'y tenait pas vraiment. Le doc risquait sinon de lui augmenter de nouveau ses médicaments. Elle se retrouverait dans un état comateux et bien incapable de sortir de son lit. Aucune de ces perspectives ne lui plaisaient alors elle devait réagir et essayer d'aller de l'avant.

Elle avait opté pour la méthode que le médecin lui avait enseigné. Compter jusqu'à dix en respirant profondément, en reprenant contact progressivement avec son environnement et rationaliser ses craintes. L'avancée du compte à rebours faisait battre son cœur plus vite mais elle parvenait à se calmer quand même. Elle pourrait affronter les autres clients... enfin elle l'espérait. Quand elle finit par ouvrir les yeux, elle sursauta en voyant le jeune homme qui se tenait devant elle et lui souriait. Elle porta sa main à sa poitrine et respira de nouveau profondément. La jeune femme ne s’attendait pas à se retrouver face à quelqu'un comme ça.

« Pardonnez-moi, je ne m'attendais pas à voir quelqu'un comme ça. »

Elle essaya de sourire mais sentait bien que ce dernier ne devait pas être le plus beau du monde. Elle restait encore trop stressée.

« Le Five ? Oh c'est le nom du bar. Je ne savais pas. »

Elle rougit alors violemment en se disant que ce n'était sans doute pas très courtois de dire qu'elle n'avait même pas pris la peine de lire le nom de l'établissement avant de rentrer dedans. Par contre, le terme de « sécurisé » lui fit du bien. En jetant un coup d’œil sur le côté, elle repéra les videurs. Elle espérait bien ne pas avoir à faire à eux. Par contre, il y avait aussi un côté rassurant et elle se détendit un peu.

« Je suis désolée. Vous devez me trouver complètement idiote d'avoir un tel comportement. Les clients ont l'air tellement à l'aise par rapport à moi. »

Le rouge revint colorer ses pommettes. Elle se sentait de nouveau profondément idiote, pas à sa place. Elle avait certainement fait une erreur en venant là. C'était trop tôt. Elle n'était pas prête. Pourtant, l'homme qui était venu la trouver était gentil. Il semblait vraiment vouloir l'aider.

« Bonsoir Monsieur McGrath. Je m'appelle Roxane Fields. Vous avez un bien bel établissement. Il y a beaucoup de monde. »

Ce qui était, à n'en pas douter, une très bonne chose pour le patron du Five mais qui était un véritable motif d'angoisse pour la blonde qui continuait de jeter des coups d’œil inquiets autour d'elle. Elle se dit qu'elle devait passer pour une folle avec une attitude aussi déplorable.

« Je suis désolée. La foule me rend... très nerveuse. Habituellement, je ne viens jamais dans ce genre d'endroit... enfin... je veux dire... dans un endroit avec du monde... je ne voulais pas mal parler de votre établissement... »

Oh lala, ça devenait carrément catastrophique. Ce « genre d'endroit », elle aurait quand même pu trouver mieux comme terminologie. Elle espérait que Nolan n'allait pas mal le prendre. Elle se sentait vraiment pas à son aise.

« Je veux dire que je n'ai pas l'habitude de la foule. Je voulais essayer de dépasser mes peurs mais je crains d'avoir été un peu trop optimiste. J'aurai juste dû rentrer chez moi. »

La dernière phrase, elle l'avait dit plus pour elle que pour celui qui se trouvait en face d'elle. Le pauvre aurait bien moins de soucis à s'occuper de n'importe quelle autre personne que d'elle. Et comme si elle ne sentait pas assez gênée comme ça, voilà que son estomac se mit à protester violemment face à l'absence de repas. Elle n'avait pas beaucoup mangé ce midi et avait pensé se rattraper ce soir. Elle ferma de nouveau les yeux, le rouge de nouveau aux joues.

« Je suis désolée... Je devrais m'en aller plutôt que de vous déranger monsieur McGrath. Vous devez avoir plein de travail et d'autres clients à vous occuper. »

La voix de la jeune femme avait tendance à diminuer d’intensité alors qu'elle contemplait le bout de ses chaussures. Quelle idiote ! Alors qu'un homme aimable et gentil venait la voir et visiblement souhaitait l'aider, voilà qu'elle préférait battre en retraite. A croire que sa peur ne serait jamais vaincue.

Compter jusqu'à dix et découvrir le monde

Je n’étais pas mon père et je ne le serais jamais.
J’aimais Le Five et je faisais attention à mes employés et j’avais totalement coupé le cordon avec ce qu’avait fait mon père à la tête de cet établissement : j’employais aussi des humains. C’était un droit. C’était même une loi qui donnait l’autorisation aux sociétés et entreprises d’embaucher des humains et le Five en faisait partie.

Mon chef barman, Colton, avait aperçu une jeune femme complètement perdue à l’entrée du Five et qui semblait avoir peur d’avancer au milieu de cette foule de clients. C’était mon rôle de faire attention à tout ce qui se passait ici. Je m’étais avancé vers elle et j’avais pu voir son malaise, ses yeux se fermés pur chercher peut-être du courage en elle. Lorsque son regard se posa sur moi, elle fut surprise de voir quelqu’un en face d’elle. Ma présence l’avait faite sursautée. Je plaçai devant moi mes deux mains pour lui démontrer que je ne lui voulais aucun mal et qu’elle pouvait apaiser sa peur.

- Je suis désolé si je vous ai fait peur, mais je vous ai vu seule et tétanisée à l’entrée de mon bar. Je suis venu vous apporter mon aide Mademoiselle.

Je m’enquis de savoir si elle allait bien et je me présentai. Elle essaya tant bien que mal de me sourire, mais je comprenais que cette jeune femme inconnue était toujours aussi gênée et incommodée par ce lieu et tout ce bruit autour d’elle. Au moins, maintenant, elle connaissait le nom du bar dans lequel elle avait mis les pieds. Je lui avais précisé qu’elle n’avait pas à s’en faire, qu’ici c’était avant tout un lieu sécurisé et convivial.

- Je ne vous trouve pas idiote Mademoiselle et soyez sans crainte, je ne porte jamais de jugements aussi hâtifs.

D’un grand mouvement de mon bras, je lui présentai la salle principale où se tenaient toutes les tables.

- La sécurité et la tranquillité de mes clients a toujours été une priorité pour moi. Des « Videurs » sont là pour faire respecter tout cela et ils gardent un œil sur chaque table. S’il y a le moindre problème, le moindre dérapage les clients sont ramenés à l’extérieur du Five.

Un magnifique rouge vint colorer ses pommettes et elle finit par se présenter et me révéler son nom et son prénom, tout comme elle me dévoila qu’elle n’était pas à l’aise avec la foule. Je compris immédiatement pourquoi elle s’était comportée de cette manière dès son entrée dans le Five. Elle avait beaucoup de mal à trouver ses mots et je lui souris amicalement pour lui faire comprendre que je n’étais pas vexé, ni que je prenais mal ses mots.

- Enchanté de faire votre connaissance Mademoiselle Fields. Vous êtes très courageuse Roxanne d’affronter votre peur de la foule, surtout dans un tel endroit et à une telle heure. Et si vous souffliez un peu ? Reprenez votre respiration calmement. Je me doute bien que vous n’avez aucune intention de mal parler de mon établissement.

L’ochlophobie était une peur irrationnelle et parfois incontrôlable. Il fallait beaucoup de force de caractère pour s’extirper de cette angoisse profonde et certainement vécue depuis la plus tendre enfance. Et la belle Demoiselle avait cette volonté qui devait être encouragée.

- Non, ne dites pas cela. Vous avez eu la force et la résolution de dépasser votre peur et de venir jusqu’ici. Peu de personnes auraient eu cette volonté d’agir ainsi. Maintenant que vous êtes entrée dans l’établissement, vous avez fait la moitié du chemin.

Malgré mes mots et mon encouragement, la peur avait repris le contrôle de Roxanne. Elle referma ses yeux pour tenter de juguler et de freiner sa peur qui revenait la hanter.

- Appelez-moi Nolan et non, vous ne me dérangez pas. Venez avec moi, faites quelques pas dans cette salle. Je vous promets que je vous ne laisserai pas toute seule.

Très doucement et tout en veillant à ne pas lui faire peur davantage, je pris sa main dans la mienne et je passai son bras sous le mien dans un geste très lent pour qu’elle puisse s’habituer à mon contact.

- Il y a une table au fond de la salle qui vient de se libérer. Elle est un peu en retrait par rapport aux autres et vous aurez moins l’impression que tous ces gens vous regardent.

Je fis un pas en avant et j’attendis qu’elle fasse de même, qu’elle accepte de me suivre, de se laisser guider. Sa grande épreuve était de traverser la grande salle, de traverser toutes ces tables, de faire attention à ne pas être bousculée par les autres clients. Mais elle n’avait pas à avoir peur, je tenais son bras contre moi.

- Venez Roxanne. Ouvrez les yeux et faites-moi confiance. Ne regardez pas autour de vous, concentrez-vous sur moi et laissez-vous guider. On va pouvoir s’asseoir à la table, ainsi j’aurais le plaisir de vous offrir un verre.

Un pas, puis un autre. Encore un, puis un nouveau. Roxanne se battait contre sa peur et en même temps elle me fixait de ses yeux inquiets. Elle ne s’en rendait peut-être pas compte, mais elle commençait à avancer dans la salle …

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Compter jusqu'à dix et découvrir le monde.

@Nolan McGrath

La peur de la foule et des autres individus était particulièrement pénible à vivre au quotidien. Quand cela se passait à l'extérieur, sur un trottoir par exemple, Roxane parvenait à tenir le coup. Elle n'avait qu'à marcher vite pour s'éloigner de la foule. Mais dans un espace clos, c'était une vraie torture que la jeune femme peinait à maîtriser. A la bibliothèque, elle restait dans les profondeurs du bâtiment évitant le contact avec le public. Pourquoi avoir choisi d'essayer de dominer sa peur comme ça ? Un soir et sans se poser de question. Elle n'aurait pas dû et s'en rendait bien compte.

Un homme avait pourtant pris le parti de venir l'aider. La surprise avait été de taille de le trouver ainsi devant elle alors qu'elle rouvrait les yeux. Mais une fois la surprise et la peur passées, Roxane ne pouvait qu'apprécier la prévenance du jeune homme. Nolan était en plus le directeur de ce superbe lieu. Le pauvre avait certainement bien mieux à faire que de rester l'aider. Elle ne faisait pas parti des Asariens aisés et ce n'était certainement pas avec elle qu'il allait faire une bonne recette. Par chance, malgré le comportement chaotique de la blonde, l'homme ne s'en offusquait pas et ne la trouvait pas idiote.

« Merci, c'est gentil à vous. Certaines personnes pensent que je fais exprès mais c'est pas le cas. Vraiment pas. »

Oui, certaines personnes la considéraient idiote et ridicule. Ses peurs n'étaient pas comprises et encore moins acceptées par la plupart des Asariens. Évidemment, elle ne parlait pas de son passif, ce qui n'aidait pas non plus. Mais elle était contente que cet homme ne la juge pas à la première impression et ne la voyait pas comme une imbécile.

Rassurée, un peu en tout cas, elle regardait les hommes, les videurs, chargés de la protection des lieux. Elle hocha la tête aux explications données par Nolan. De savoir qu'au moindre problème quelqu'un pouvait intervenir était rassurant.

Le rose de ses joues s'accentuant quand Nolan lui appris être ravi de la rencontrer et qu'il la trouvait courageuse. Là, ce fut un sourire heureux qui illumina ses traits, lui faisait redresser la tête et briller ses pupilles. C'était bien la première fois depuis... depuis toujours en fait qu'on disait d'elle qu'elle était courageuse. Même son médecin ne lui avait jamais dit ça alors qu'il cherchait généralement à l'encourager à quitter son train-train quotidien. Là, c'était comme si elle étouffait et que soudain cet homme lui offrait une grande bouffée d'oxygène. De quoi rendre heureux n'importe qui mais pour elle, c'était un compliment qui avait valeur de véritable trésor. Elle ne l'oublierait jamais.

Au delà d'une simple gentillesse de façade, le directeur du Five voulait vraiment l'aidait. Il lui expliquait les choses calmement, prenait son temps et évoquait le parcours déjà réalisé, la moitié du chemin. Pour autant, le mouvement des autres clients, les rires, les conversations avaient tendance à raviver sa peur, faisant s'effondrer son sourire et la vie de ses pupilles la faisant redevenir un petit animal apeuré. Pourtant, l'homme ne l'abandonnait pas. Souriant et rassurant, il essayait de la pousser à explorer le lieu. Elle sursauta quand il lui prit délicatement le bras mais se reprit et se laissa faire et guider. Prévenant, il l’entraînait avec douceur vers une table un peu à l'écart. Roxane était prête à refuser mais l'occasion était trop belle. Elle avait été courageuse jusque là, il le lui avait dit, elle devait continuer.

« Merci monsi.. Nolan. C'est rassurant de ne pas être seule. »

Si elle avait sursauté au contact de sa main puis de son bras épousant le sien, désormais elle s'accrochait à lui comme une noyée à sa bouée. Elle le suivait, son cœur battant à cent à l'heure, chaque pas était une victoire. Roxane se répétait en boucle qu'elle était courageuse et qu'elle pouvait le faire. Des centaines, des milliers de gens faisaient ça tous les jours. Ce n'était pas si compliqué quand même. Mais en même temps, ces gens ne s'étaient pas fait enlevés et torturés durant des années. Elle secoua la tête pour éviter de songer à ses cauchemars. Elle ne voulait pas qu'ils viennent se rajouter à toutes ses difficultés.

Obéissant à son hôte, elle se fixa sur lui, sur ses mots, son sourire et ses yeux. Elle se sentait ainsi plus forte. Elle se serrait le plus possible contre lui pour éviter de frôler qui que ce soit. Sa gorge se serrait à l'approche de certaines voix mais au final, après un très long moment qui lui sembla une véritable éternité, ils arrivèrent enfin à la table. A sa grande honte, la jeune femme se rendit compte qu'elle serrait vraiment très fortement le bras de son compagnon. Elle le relâcha alors brutalement, les joues de nouveau rouges.

« Oh je suis désolée. Je ne me suis pas du tout rendue compte que je serrais. Je vous ai fait mal ? Vous allez bien ? »

L'inquiétude était palpable dans sa voix. Oubliant ses propres craintes, elle se concentrait sur le mal qu'elle aurait pu faire au jeune homme.

️BESIDETHECROCODILE

Compter jusqu'à dix et découvrir le monde
Après avoir lu de la crainte dans ses yeux, la jeune femme m’offrit un sourire radieux. J’essayai de la rassurer comme je le pouvais, d’être doux et de ne pas avoir de mouvements brusques avec elle. Elle était tétanisée par la foule et si je n’avais jamais rencontré quelqu’un comme elle, je ne prêtais aucun jugement sur ce qui animait nos plus terribles angoisses. J’avais la mienne. J’avais un côté sombre que je préférais éviter de dévoiler à quiconque. Je devinai aisément que sa présence ici, au milieu de cette foule, devait être un acte énorme de la par la jolie Roxanne. Elle avait bousculé son quotidien pour entrer dans un bar plein de monde et pour y affronter sa peur. Elle était courageuse et j’avais fait tout mon possible pour le lui faire savoir, qu’elle prenne conscience de sa force intérieure.

Elle a avait fait déjà un grand pas en se retrouvant dans un lieu qu’elle considérait comme hostile. Je n’avais pas relevé sa remarque quand elle m’avoua que beaucoup de monde pensait qu’elle jouait la comédie, que sa peur n’était pas vraie. La jeune Demoiselle sursauta quand je lui pris délicatement sa main pour la poser sur mon bras. Je voyais bien que sa peur revenait ternir son beau sourire. Cela ne devait pas se passe ainsi. Elle avait fait tant d’efforts ce soir. Je devais l’aider à accompli encore quelques prouesses.

Roxanne se laissa guider par mes soins à travers la grande salle principale du Five là où se trouvaient toutes les tables et tous ces gens qui parlaient forts, riaient et partageaient des conversations animées. Des scènes quotidiennes et inoffensives pour moi, mais pas pour elle. Tout en l’amenant avec moi, je lui décrivis où était notre destination : une table à l’écart de tout ce brouhaha. Cela pourrait la rassurer de savoir qu’elle pourrait souffler un peu et se détendre à l’abri de tous ces regards et de toute cette foule bruyante. Je calquai son rythme sur le mien. Je ne voulais pas la bousculer. C’était à elle de faire chaque pas tout en sachant que j’étais près d’elle et que je ne la quitterai pas.

Je la sentis se tenir à mon bras, s’accrocher à moi comme si ma présence l’empêcher de tomber. Et je n’avais aucune intention de la laisser toute seule affronter cette épreuve. Nous arrivâmes enfin à la dite table et soudainement Roxanne me lâche le bras, comme mue par une honte, celle d’avoir été trop proche d’un inconnu.

- Non, n’ayez pas d’inquiétude, je vais bien et je n’ai pas senti votre force sur mon bras. Allez, maintenant, promettez-moi de vous détendre, de soufflez tranquillement. Regardez tout le parcours que vous venez de faire. Vous étiez tout là-bas, devant l’entrée du Five et maintenant vous vous retrouvez à l’opposé de votre point d’arrivée.

D’un geste de la main, je l’invitai à venir s’installer sur la banquette confortable qui formait un grand U autour d’une petite table surmontée d’une bougie. Je pris place en face d’elle pour qu’elle ne se sente pas étouffée par ma présence. Je hélai une serveuse qui prit notre commande.

- Pour moi, ça sera un Mojito et pour ma charmante invitée …

Je laissai Roxanne répondre et la serveuse s’en alla nous préparer nos boissons.

- Maintenant que je vous ai rien que pour moi, je souhaite en apprendre davantage sur vous Roxanne, si vous me le permettez. Que faites-vous dans la vie ? Cette peur de la foule, vous l’avez toujours eue, depuis toute petite ? Où c’est un fait marquant dans votre vie qui a bousculé votre quotidien ?

La serveuse revint avec son plateau dans sa main et posa nos verres sur la table, devant nous.

- Merci Julia.

- Bonne soirée à vous.

Je pris mon verre pour trinquer avec Roxanne.

- A quoi trinquons-nous ce soir pour cette première rencontre ? Je vous laisse choisir Roxanne.

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Compter jusqu'à dix et découvrir le monde.

@Nolan McGrath

Qui pourrait croire que traverser une simple salle de bar pouvait être une épreuve psychologique digne d'un affrontement avec une créature mythologique ? Quasiment personne et même pour Roxane, cette métaphore était un peu exagérée. Mais il était vrai que sa crainte était grande, démesurée même. Les gens devaient la trouver très bizarre. C'était une véritable chance que le directeur de l'établissement soit venue la trouver. Sans lui, il y avait déjà un long moment qu'elle aurait tourné casaque et serait rentrée au pas de course se morfondre dans son appartement. Nolan l'avait mise à l'aise et encouragée à mettre un pied devant l'autre. Elle lui serrait le bras alors qu'ils avançaient de concert dans le bar afin de gagner un coin un peu moins exposé et surtout avec moins de monde. Roxane serrait le bras masculin comme un noyé s'accrochait à sa bouée de sauvetage. Elle contrôlait sa respiration, fixait intensément la table comme le rivage ultime à atteindre. Elle se serrait contre l'homme, évitant de croiser les autres personnes. Une chose pas évidente vu que le Five était un endroit très prisé. Les gens semblaient de se presser ici et tous avaient le sourire aux lèvres. Cela devait faire plaisir au propriétaire des lieux mais ça terrifiait la jeune femme. Avait-elle trop présomptueuse en entrant dans ce bar ? Désormais, c'était trop tard et elle devait aller jusqu'au bout.

Finalement, la table se profila et ils furent arrivés à destination. Roxane avait le souffle court comme si elle avait dû réaliser un marathon. Elle apprécia de pouvoir s'asseoir tout en prenant conscience de la force dont elle avait usé sur le bras de son compagnon. Elle s'en excusa les joues rouges tout en espérant ne pas lui avoir fait de mal. Ce qui ne semblait pas être le cas du tout. Elle fut rassurée et prit place sur la banquette. Elle hocha la tête alors qu'il l'invitait à se détendre. Ainsi éloignée de la foule, Roxane se sentait mieux et comme l'homme ne la quittait pas, cela la rassurait bien davantage encore. Elle sourit, très fière d'elle, alors que l'homme lui montrait leur point de départ.

« Effectivement, ça fait une très longue route. »

Cela devait sembler stupide pour n'importe qui d'autre, mais pour la jeune femme s'était un véritable exploit. Elle se raidit légèrement à la venue de la serveuse mais ne paniqua pas pour autant. La serveuse n'était pas agressive, elle venait juste chercher leur commande. Rien de plus, rien de moins.

« Un... un jus d'orange, merci. »

L'alcool, ce n'était même pas la peine d'y songer. Ce serait catastrophique. C'était déjà compliqué de ne pas perdre le contrôle alors qu'elle était sobre, alcoolisée, elle ne préférait pas imaginer les dégâts. Assez logiquement, le jeune homme souhaitait en savoir plus sur elle. C'était assez logique quand on rencontrait un inconnu, qu'on avait aidé en plus, de vouloir en savoir davantage.

« Je travaille à mi-temps à la bibliothèque. Je m'occupe des archives et du classement des ouvrages dans les sous-sols. Comme la bibliothèque a un fond très important, on ne peut pas tout mettre à al disposition des personnes. Du coup, on a tendance à faire tourner les ouvrages selon les demandes et les possibilités. Ce n'est pas le travail le plus palpitant du monde mais j'aime beaucoup travailler au milieu des livres. Même si le monde tourne autour de la technologie aujourd'hui, j'apprécie de tourner des pages de sentir l'odeur du papier. C'est certainement un peu idiot. »

La serveuse revint avec leurs consommations et Roxane la remercia d'un sourire. La petite ombrelle et la paille égaillait le verre remplit d'un jus d'orange qui sentait divinement bon. Jus d'orange fraîchement pressé. Un vrai petit bonheur en verre. Nolan leva son verre prêt à trinquer ce qui donna un moment de répit à Roxane car elle n'avait pas oublié la seconde partie de la question.

« Nous pouvons trinquer à notre rencontre et à cette jolie victoire sur moi-même que h'ai pu obtenir grâce à vous. »

Libérez de sa peur, Roxane retrouvait peu à peu contenance et parvenait même à agir avec un certain entrain. Elle but quelques gorgées de son jus de fruit avant de fixer la flamme de la bougie. Parvenir à parler n'était pas simple mais c'était une autre épreuve à surmonter et puis cela expliquerait le pourquoi du comment à Nolan. Heureusement pour lui, il n'avait pas des clientes comme elle tous les jours.

« Je n'avais pas des peurs comme ça quand j'étais petite mais... J'ai été enlevé quand j'étais enfant. Mes parents ont été tué. Pendant des années, j'ai été emprisonnée et torturée. Je ne me rappelle pas de tout. Le docteur Coleman dit que mon cerveau a occulté les faits pour me protéger à sa façon. Je ne me rappelle que de certaines choses et au fond, je suis bien contente d'avoir oublié le reste. Il n'y a que la nuit que je m'en rappelle, quand je dors. Mes cauchemars me ramènent là-bas, dans l'enfer. Je m'en suis sortie y'a deux ans maintenant mais j'ai passé beaucoup de temps à l'hôpital. J'en suis sortie y'a quelques mois seulement. »

Quand elle eut finit de parler, elle se rendit compte qu'elle tremblait et que ses joues étaient froides. Elle se rendit compte que les larmes avaient coulé sans qu'elle ne s'en rende compte. Elle s'essuya les yeux du revers de la main. Elle ne devait pas se plonger dans ses souvenirs. Elle faisait tout pour les fuir. Ce n'était pas maintenant qu'elle devait y repenser.

« C'est pour ça que j'ai peur des gens et que j'ai du mal à être dans la foule. Mon médecin dit que c'est traumatique que ça devrait s'atténuer avec le temps. »

Elle haussa les épaules, n'y croyant qu'à moitié. Roxane s'entoura de ses bras, cherchant à se réchauffer un peu. Elle avait froid mais ce n'était pas lié à l'endroit, il y faisait bien assez chaud mais se rappeler de tout ça était très dur. Le froid, elle le ressentait de l'intérieur. Comme si un énorme bloc de glace se trouvait en elle et se rappelait à elle dès qu'il le pouvait.

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La destination fut touchée et Roxanne put enfin souffler et se détendre. Elle avait réussi à vaincre sa peur et avec mon aide à parcourir une longue distance en traversant la grande salle et tous les clients. La jeune femme s’excusa d’avoir usé un peu trop de sa force sur mon bras. J’avais senti la pression de ses doigts, mais je la rassurai. Elle ne m’avait pas fait mal. Cette table à l’écart de la foule permit de mieux découvrir Roxanne et d’admirer sa beauté gracile. Sa peur s’était estompée, ce qui la rendait encore plus charmante.

Une serveuse prit notre commande : un Mojito pour moi et un jus d’orange pour la Demoiselle qui m’accompagnait. Ce moment de tranquillité fort appréciable entre nous deux me donna l’envie de connaitre davantage celle qui avait l’air d’un chaton perdu et égaré quand j’avais posé mes yeux sur elle. Elle travaillait à mi-temps à la bibliothèque et elle s’occupait plus particulièrement des archives et du classement des ouvrages.

- Les livres sont nos mémoires surtout quand ce sont d’anciens ouvrages qui ont survécu au naufrage de notre Planète et de notre monde. L’édition des livres sur papier se fait de plus en plus rare et ils coutent très cher. Je ne suis pas un grand collectionneur, mais j’ai quelques livres dont un qui me vient de ma grand-mère maternelle. Ce livre est jauni par le temps, abimé par la fureur de la guerre de 2049. C’est un livre sur les essais de Montaigne. Vous le connaissez ? Je le garde précieusement. Vous faites un très beau métier Roxanne. Il doit y avoir des œuvres magnifiques qui ont été conservées.

Des ouvrages qui n’étaient pas destinés à être consultés ou bien par une dérogation hautement étudiée. Je comprenais que ces livres soient gardés tel un trésor sacré de notre ancien monde. La serveuse revint nous apporter nos verres. Je levai mon verre pour qu’on puisse porter un toast. Roxanne choisit de dédier ce moment à notre première rencontre et à son courage d’avoir affronter la foule. J’étais d’accord avec elle. Nos verres s’entrechoquèrent en même temps que j’affichais un sourire sincère face à la jeune femme.

- Ce n’est que le début du commencement pour vous mademoiselle Fields. Vous fêterez d’autres victoires, j’en suis certain !

Elle avait commencé par le côté professionnel de sa vie et elle poursuivit sur sa vie personnelle. Une vie emplie de cauchemars et de terreur. Cette femme assise face à moi avait été enlevée très jeune et elle avait subi des tortures pendant des années et ses parents tués. Je la dévisageai, pas comme si elle était une bête de foire, mais bien pour contempler cette femme si courageuse. Ma main se posa doucement sur la sienne. Elle était si perturbée par ses souvenirs que je ne pouvais pas la laisser se sentir aussi mal sans lui démontrer que j’étais bien là avec elle.

- Roxanne vous êtes une femme forte et courageuse, n’en doutez jamais. Votre traumatisme et toutes ces horreurs que vous avez vécues auraient détruit de nombreuses personnes. Vous vous êtes accrochée à la vie. Vous êtes encore bien plus magnifique à mes yeux. Votre subconscient vous protège et vous avez raison, c’est bien mieux ainsi. Cela ne vous apporterez rien de bon de vous souvenir de tout avec détails. Il faut continuer à avancer.

Elle avait passé de longs mois à l’hôpital et elle n’en était sortie que depuis peu. Je comprenais pourquoi il lui était compliqué de s’avancer dans la foule. Ma main sur la sienne, je sentis la froid de sa peau douce. Je retirai ma veste pour la poser délicatement sur ses épaules.

- Tenez, ça vous réchauffera un peu.

Ses larmes coulaient sur ses joues qu’elle tentait d’essuyer de sa main. Une dernière larme glissa que je caressai du bout de mon pouce.

- J’espère vraiment que vos cauchemars vous laisseront un jour ou l’autre et qu’ils ne viendront plus vous hanter. Ce soir, vous avez prouvé que vous pouviez les combattre. Chaque petite victoire de prise deviendra une grande bataille de gagner. Le docteur Coleman doit être fier de vous ce soir.

Je jetai un œil à la salle et aux clients. Ce n’était pas l’endroit idéal pour la jeune femme et son malaise dû à ses mauvais souvenirs pourraient lui redonner la crainte d’être ici.

- Roxanne, si vous le désirez, il y a mon bureau à l’étage pour vous détendre. Votre victoire de cette nuit ne vous empêche pas de retrouver un peu de sérénité. Je peux vous y conduire.

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@Nolan McGrath

Nolan McGrath se révélait être quelqu'un de très prévenant. Loin de la juger avec mépris et désintérêt, il l'avait aidé à progresser dans la salle jusqu'à rejoindre un endroit moins exposé. Roxane se disait qu'elle devrait essayer de faire davantage confiance aux gens mais elle n'y arrivait pas. Elle avait du mal à aller vers les autres. Tel un escargot, elle rentrait dans sa coquille dès qu'elle devait côtoyer un inconnu. Elle était persuadée que tout le monde pouvait lui vouloir du mal. C'était idiot et pourtant c'était viscéral. Elle ne pouvait se défaire de cette idée. Cela lui vrillait les entrailles autant que l'esprit alors elle se tenait loin des autres, agissant comme une bîche apeurée dès qu'on lui parlait. Le docteur Coleman lui avait dit que cela lui passerait avec le temps et qu'elle ne devait pas essayer de se forcer. Mais la jeune femme avait pourtant tenté le diable en poussant jusque dans ce bar, voulant arrêter d'avoir peur. Elle avait un peu, beaucoup, présumé, de ses forces mais avait trouvé une main secourable en la personne du directeur des lieux. Grâce à lui, elle était désormais au calme, repliée sur une banquette et pouvait observer la foule s'en craindre de se faire surprendre.

Un peu plus à l'aise et un brin enivré par sa victoire de la traversée de la salle, Roxane acceptait de se livrer à son compagnon. La partie la plus facile était son métier. Un travail dégoté par le docteur Coleman afin qu'elle puisse réintégrer le monde « normal ». Un travail qui lui avait plu avant même qu'elle n'arrive dans la bibliothèque. A l'hôpital, elle avait côtoyé plusieurs fois les livres et était tombée sous leur charme. Elle avait très vite appris le fonctionnement de base des archives et de la bibliothèque et c'était révélée très utile et habile dans la gestion des stocks. En parler était simple et lui permettait de se mettre un peu plus à l'aise.

« Oui, les livres sont notre mémoire. Un des rares moyens que nous avons de nous rappeler le monde d'avant 2049. Même si les gens privilégient la technologie, j'avoue que le papier conserve ma préférence. »

Le verre de jus d'orange devant elle, elle ne se priva pas d'une gorgée alors qu'elle attaquait la suite de son récit, bien moins joyeux et agréable que le début. Son passé, ses tortures, ses cauchemars... Un univers horrible qui la poursuivait presque tout le temps et où même le sommeil devenait source d'angoisse et de stress. Le fait de ne pas se rappeler ses années d'enfermement lui permettait d'aller de l'avant. Une part d'elle savait que si elle s'en rappelait, elle se suiciderait plutôt que d'affronter une pareille horreur.

Les larmes montaient avant d'envahir les joues pâles, légèrement rougies par le stress et la situation. Les doigts fébriles vinrent essuyer l'eau salée et éviter de mouiller ses vêtements et la table. Elle ne cherchait pas à faire pleurer dans les chaumières. Elle ne tenait pas à ce qu'on s'appitoit sur son sort. Elle y parvenait très bien seule. Perdue dans son monde, elle sursauta en sentant la main masculine venir couvrir la sienne. Un bref instant, elle fit mine de la retirer mais la chaleur et la douceur de la main de Nolan la firent renoncer. Ce simple contact lui faisait du bien. Elle semblait prendre la chaleur de l'homme, puiser dans sa force et dans sa bienveillance pour parvenir à surmonter ses souvenirs sombres. Les mots qu'il utilisait étaient aussi chauds et doux que sa main. La plupart des gens la voyaient comme une petite blonde idiote et coincée, qui sursautait au moindre bruit. Lui voyait plus que cela et cela lui faisait. Roxane esquissa même un pâle sourire alors qu'elle essuyait délicatement sa joue. Là encore le contraste était intense entre les doigts chauds et délicats et le froid qu'elle ressentait et qui lui donnait la chair de poule. Oui, sa peau s'était hérissée sous le poids de ce passé qui la faisait tant souffrir. Elle ne s'en était même pas rendue compte, pas consciemment en tout cas.

« Merci Nolan mais vous n'êtes pas obligé. J'ai l'habitude d'avoir froid. »

Même avec 40°, elle pouvait tout à fait claquer des dents. Ce n'était pas un froid lié à l'ambiance et au temps mais bien à elle, à ses terreurs. L'homme espérait que ses cauchemars la laisseraient un jour en paix mais Roxane avait du mal à se dire que tout ceci finirait un jour par disparaître. Cela lui semblait aussi inaccessible que d'atteindre la lune. Mais cela ne coûtait rien d'y croire.

« Je l'espère aussi, profondément, mais je doute un peu plus chaque jour, chaque nuit que cela puisse arriver. Je ne sais pas si le docteur Coleman sera content ou non, il m'a toujours dit de ne pas me forcer et de prendre mon temps mais j'espère que, oui, il sera content. »

Le docteur Coleman était un homme bon. Il avait été là quand elle avait libérée par la milice. C'était lui qui s'était occupé d'elle depuis le premier jour et il ne l'avait jamais abandonné. Jamais. Alors oui, peut-être se réjouirait-il de cette petite victoire. Elle l'appellerait demain et elle verrait bien. Elle attrapa les pans de la veste et les resserra sur elle. L'odeur délicate de Nolan s'en dégageait et c'était agréable pour elle. C'était rassurant. L'idée de pouvoir se rendre dans un endroit un peu plus au calme ne lui déplaisait pas. Mais elle n'était pas certaine d'être capable de se lever. Ses révélations semblaient l'avoir vidée de toutes ses forces.

« Dans un petit moment pourquoi pas. Je ne suis pas certaine que mes jambes soient capables de me porter tout de suite. Je suis bien moins forte que ce que vous croyez Nolan. Seule, je me serais écroulée. »

Elle reprit son verre et avala quelques gorgées. Peut-être aurait-elle dû opter pour quelque chose de chaud ou de plus fort pour se ragaillardir. Mais c'était mieux que rien. Au moins, cela lui évitait d'avoir la gorge nouée. La foule était toujours importante à quelques pas d'eux. Son regard ne manquait pas de se poser régulièrement sur les vigils comme un moyen de se rassurer. Sa main se dégagea délicatement de celle de Nolan mais pour un bref instant seulement. En fait, elle la chercher pour la tenir doucement, un énième moyen de se rassurer. Ce geste était presque inconscient. C'était comme si une partie d'elle agissait sans qu'elle ne s'en rende compte. Son regard se reposa alors brusquement sur leurs deux mains.

« Oh navrée... Décidément, je vous accapare alors que vous avez plein de monde. Je devrai juste essayer de rentrer chez moi plutôt que de vous embêter avec mes problèmes. Vous avez certainement plein de choses à faire. »

Elle avait l'impression d'abuser de la présence et de la compagnie de Nolan. Le pauvre prenait de son temps, certainement très pris, pour s'occuper d'une pauvre fille perdue en proie à tout un tas de problème. Pauvre de lui.

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Dernière édition par Nolan McGrath le Sam 24 Oct 2020, 00:51, édité 2 fois

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Le visage de Roxane s’illuminait lorsqu’elle parlait de son métier et des livres qu’elle aimait tant. J’aurais pu rester des heures à l’écouter ainsi sans m’ennuyer. Nous étions bien d’accord sur le même sujet : les anciens ouvrages sauvés de la destruction de la quasi-totalité de notre Planète étaient notre mémoire et ils nous rappelaient qu’il y avait une vie avant les dômes, avant le SEER.
On trinqua à cette première victoire qui serait le point de départ, et je n’en doutais pas, à beaucoup d’autres.

La jeune Demoiselle poursuivit la conversation sur sa vie personnelle et pourquoi elle était d’envahie d’autant d’angoisse et de démons. Son histoire me serra le cœur. Comment des individus malsains avaient-ils pu enlever et séquestrer une telle femme et de nos jours ? J’imaginais sa souffrance et ses cauchemars et je savais aussi que tout ce que je pourrais concevoir et supposer ne refléterait pas la réalité de son enfer. Pour la rassurer et lui montrer qu’elle pouvait avoir confiance en moi, je posai doucement ma main sur la sienne. Mon geste la fit sursauter et je sentis son envie de retirer sa main un instant, mais elle ne le fit pas et j’en fus très heureux de pouvoir caresser sa peau.
La voir aussi frigorifiée sans rien faire m’était impossible, et j’avais retiré ma veste pour la poser délicatement sur ses épaules.

- Vous avez peut-être l’habitude d’avoir froid, mais moi, je n’ai pas l’habitude de laisser une jeune femme trembler sans rien faire. Ma mère m’a appris les bonnes manières avec les femmes.

J’espérai que ses cauchemars la laissent un jour tranquille et qu’elle puisse enfin vivre une vie normale sans toutes ces peurs et craintes du monde qui l’entourait. Je ne voulais pas me montrer trop curieux, qu’elle ne se sente pas mal à l’aise avec mes questions, mais une question me tarauda l’esprit.

- Le Docteur Coleman est le seul médecin qui vous suit dans votre démarche et votre guérison ? Ne prenez pas mal de ce que je vais vous dire Roxane, mais il existe plein de spécialistes et avoir plusieurs avis pourraient peut-être vous permettre d’avancer et de faire encore plus de progrès ? Vous n’avez jamais pensé à une autre alternative ?

Je n’étais pas médecin et je ne tentais pas de me croire supérieur et plus intelligent que ce Docteur Coleman, mais la thérapie de Roxane me paraissait très longue par rapport à tout ce qu’elle avait vécu.
Le « Five » ne désemplissait pas et je proposai alors à mon invitée de venir se mettre au calme dans mon bureau qui se trouvait à l’étage. Elle avait fait beaucoup d’efforts à peu de temps, et peut-être qu’elle aimerait pouvoir souffler et se détendre sans être constamment aux aguets de tout ce qui se passait dans la salle et près d’elle. Elle m’avoua qu’elle n’avait plus la force de se lever et encore une fois, je l’entendis se sous-estimer.

- Non Roxane, s’il vous plait, arrêtez de vous déprécier comme cela.

Sa main serra la mienne avec douceur.

- Non, vous ne m’accaparez pas. Je ne serais pas là avec vous, si c’était le cas et je ne suis pas tout seul pur gérer mon établissement.

Je me levai de ma chaise tout en tenant sa main dans la mienne et je l’entrainai à faire de même. Mon bras de libre glissa autour de la taille de la Demoiselle.

- Si vous tombez, je serai là pour vous retenir. Les escaliers qui montent à l’étage sont derrière nous, à quelques pas. Cela vous permettra aussi de vous éloigner encore plus de la salle et des clients.

Je fis un signe de tête à celui qui me secondait, mon chef barman pour lui faire comprendre que s’il avait besoin de moi, je me trouverai dans mon bureau. Je déposai un baiser sur la main qui tenait la mienne sans la lâcher.

- Vous savez quoi ? Je ne vais plus vous demander de faire un effort ce soir Roxane. Il y a un moyen plus rapide de nous rendre dans mon bureau. Fermez les yeux un instant et tenez-vous à moi.

Le temps d’un battement de cils et nous avions disparu de la salle du « Five » pour réapparaitre grâce à mon pouvoir de téléportation dans mon bureau. C’était une pièce assez grande que j’avais aménagée selon mes gouts. Je passais beaucoup de temps ici, alors en plus d’un bureau standard, il y avait un divan, une télévision, une table, quatre chaises, et un petit coin cuisine.

- Ça va ? Pas trop remuée avec la téléportation ? Si vous avez la tête qui tourne ou si vous avez des nausées, ce sont les effets logiques quand on n’est pas habitué à ce genre de « transport rapide ». Venez-vous installez sur le canapé, vous y serez plus à l’aise. Un petit repas, gente Demoiselle, ça vous direz ? N’hésitez pas à me dire non et si vous êtes fatiguée, je peux vous raccompagner chez vous.

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@Nolan McGrath

Roxane avait l'impression d'être à la fête foraine ce soir. Elle faisait les montagnes russes des émotions passant de la peur et l'angoisse profondes à la joie voir une certaine forme de bonheur quelques minutes plus tard. C'était étrange mais pas totalement désagréable. Oh bien sûr, les moments de creux étaient désagréables et durs à supporter. Pourtant, elle en avait tellement l'habitude qu'elle gérait la chose, plus ou moins bien selon les moments, mais elle connaissait ça. Elle faisait juste en sorte de ne pas se mettre dans un coin roulée en boule. Mais le côté heureux était bien plus rare et du coup, beaucoup plus agréable. La jeune femme pouvait compter sur les doigts d'une main les moments où elle avait été heureuse, vraiment heureuse, depuis sa libération. C'était extrêmement rare. Mais ce soir, elle avait eu la chance de tomber sur Nolan et cet homme, sans s'en rendre compte, venait de lui apporter un véritable rayon de soleil dans sa vie.

Elle avait réussi à rentrer dans un bar, à avancer dans la salle, finir par la traverser pour rejoindre une banquette. Si bien sûr Nolan n'était pour rien dans son arrivée, le hasard avait bien fait les choses en le mettant sur sa route. Il avait su trouver les mots et l'aider à affronter ses craintes pour finir par faire ce dont elle ne se serait jamais crû capable, traverser une foule bruyante sans se mettre à hurler ou faire une crise de panique. Assise, profitant d'un moment de répit, elle parla de son travail à mi-temps à la bibliothèque, là où elle se sentait bien ou en tout cas, moins mal qu'ailleurs. Elle parla aussi de son passé dont elle ne gardait pas beaucoup de traces en tête. C'était surtout des impressions et une peur virulente qui la faisait paniquer. Le reste elle ne tenait pas spécialement à s'en souvenir. Le résultat ne tarda pas. Sa peau se constella de chair de poule. Au moins, elle ne chercha pas à fuir, c'était un bon début. Nolan essaya pourtant de la réchauffer en lui mettant sa veste sur les épaules. Une charmante attention mais Roxane doutait que cela la réchauffe. Elle se connaissait assez pour savoir que tous les pulls et vestes du monde ne suffiraient pas à la réchauffer. Mais elle ne voulait pas le vexer, ce serait mal venu vu tout ce qu'il avait fait jusque là pour elle.

« Merci, c'est gentil à vous. »

Elle resserra les pans de la veste sur elle, y puisant le reste de chaleur que le jeune homme avait pu laisser. La discussion s'orienta alors vers le médecin qui s'occupait de la jeune femme. Elle fronça les sourcils en l'entendant parler. C'était de la surprise et non de la colère. Elle avait du mal à concevoir qu'on puisse remettre en cause son jugement.

« Oh le docteur Coleman est quelqu'un de très bien. Il faisait parti de l'escouade qui m'a sauvée. Il aurait pu me laisser avec d'autres médecins mais il a tenu à s'occuper de moi personnellement. C'est grâce à lui si j'ai pu sortir de l'hôpital, avoir un appartement, un travail. Sans lui... je... je ne sais pas ce que je serais devenue. J'imagine que je serais encore à l'hôpital, enfermée. Il n'aime pas trop que je vois d'autres médecins. Ils ne me connaissent pas après tout. Lui, oui. Il sait ce que j'ai subi. Il a trouvé des dossiers. Il sait comment m'aider. »

Roxane ne voyait pas qui d'autre pourrait l'aider. Si lui ne l'aidait pas, elle se retrouverait seule et seule, elle serait bien incapable de survivre. Elle se retrouverait à la rue, sans traitement, sans rien. La peur accéléra son rythme cardiaque. Non, elle ne pouvait être avec un autre médecin. Le docteur Coleman était ce qu'il y avait de mieux.

« C'est moi... c'est moi qui met du temps à faire des progrès. C'est ma faute, pas la sienne. Lui, il fait bien son travail. Il est intelligent, brillant, pas moi. Moi, je ne sais pas grand chose. A la base, je ne suis même pas qualifiée pour travailler à la bibliothèque mais il a quand même fait en sorte que j'ai du travail. J'essaie d'apprendre mais c'est long. »

Non l'idée d'être séparée de Coleman la stressait, lui faisait horriblement peur et elle avait presque envie de se lever pour aller le trouver et lui dire que jamais elle ne voudrait voir quelqu'un d'autre. C'était presque viscéral. Mais son souffle, comme son cœur, se calma alors que Nola lui proposait de gagner son bureau pour lui épargner la foule. Roxane avait peur de le déranger mais lui ne semblait pas de cet avis. Retrouvant un peu de calme et un semblant de sourire, elle serra un peu sa main. Cette dernière tremblait légèrement, pas vraiment habituée à avoir des contacts avec d'autres personnes. Elle suivit son mouvement et se leva et se plaça près de lui. Même si la foule se tenait un peu à l'écart, elle était encore trop proche au goût de la jeune femme. L'idée de devoir encore affronter les gens lui donnait des sueurs froides. La seule chose qui la rassurait était la présence de Nolan et puis il lui avait parlé de son bureau, loin du monde. Elle sursauta en sentant les lèvres effleurer sa main mais sourit, les joues rouges devant un tel geste. Avant qu'elle ait eu le temps de battre des cils, elle se retrouvait dans le bureau du directeur du Five. Elle mit quelques secondes à comprendre et finalement c'est lui qui lui donna la réponse, la téléportation. Contre toute surprise, elle se mit à rire, un rire franc qui semblait animer tout son visage et faire pétiller ses yeux.

« Ouah, c'est drôlement impressionnant. Vous avez un sacré pouvoir ! Mais vous auriez pu l'utiliser pour me faire traverser la salle, ça aurait été plus simple. »

Elle rit de nouveau de bon cœur. Ce n'était absolument pas un reproche mais juste une petite plaisanterie. S'il lui avait facilité la tâche, elle n'aurait pas pu vaincre sa peur cette fois-ci. Elle s'écarta légèrement de Nola et tituba légèrement se raccrochant alors à son bras.

« Oh oui, ça tourne un peu là. »

Elle alla s'asseoir sur le canapé en faisant attention à chacun de ses pas. Elle ne tenait pas à se ridiculiser en tombant par terre mais elle parvint sans encombre jusqu'au canapé soutenue dans sa démarche par le jeune homme.

« Je ne veux pas vous... »

Roxane évita de terminer sa phrase. Elle l'avait tellement dit et répété au cours de la soirée que ça ne servait plus à rien. Elle devait se mettre en tête que Nolan l'aidait parce qu'il en avait envie et non par obligation. Son traumatisme lui faisait voir le monde en noir et oublier que toutes les personnes n'étaient pas des monstres.

« Oui, j'ai faim. Je suis fatiguée mais je sais que je n'arriverai pas à dormir avant plusieurs heures alors, il vaut mieux que je mange un morceau avant de rentrer. Vous avez besoin d'aide ? Votre bureau est vraiment impressionnant. Je crois que mon appartement est plus petit que ça et moins bien aménagé. »

Le rire revint de nouveau, léger comme une brise d'été. Libérée du stress de la foule, Roxane montrait une autre facette d'elle-même bien plus amicale et bien plus libre aussi. Ses joues teintées de rouge et ses yeux pétillants contrastaient avec l'image de la jeune femme stressée et apeurée qu'elle était quelques minutes plus tôt.

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Tout ce qu’elle m’avait raconté sur son passé était terrible et horrible pour une femme aussi jeune et qui devrait logiquement vivre et croquer la vie à pleine dent au lieu d’affronter ses monstres et ses cauchemars. Depuis enfant, depuis son enlèvement, elle était suivi par le même Docteur et pourtant à la voir là, en femme adulte, elle était toujours poursuivie par ses peurs. Je n’étais pas médecin, mais quelque chose clochait : pourquoi donc Roxane n’avait jamais trouvé de répit ni un peu de guérison dans son enfer ? Je m’étais lancé sur une question celle où je lui montrais que ce Docteur en qui elle avait tant confiance pouvait avoir des limites dans sa convalescence. Elle pourrait se tourner vers d’autres avis.
Mais Roxane argumenta qu’il était le seul à pouvoir l’aider. Elle le défendait avec beaucoup d’énergie et ce qui m’intrigua fut sa phrase : que le Docteur Coleman n’aimait pas qu’elle consulte d’autres médecins.

- Et vous croyiez que c’est une attitude normale de la part d’un médecin ? Il vous a pris en charge, d’accord. Il vous a aidé, d’accord aussi, mais pourquoi refuser au contraire de vous donner une chance d’aller encore mieux et de voir d’autres confrères à lui ?
Je ne tiens pas à vous mettre en colère, mais vous devriez y réfléchir.
J’ai perdu, tout jeune, mon frère jumeau. Mes parents ont voulu ce qu’il y a le mieux pour guérir. Perdre un jumeau, c’est comme perdre une partie de moi et ce manque je le ressens encore parfois.
J’ai consulté plusieurs spécialistes et chacun m’a apporté leur vision, et leur aide. C’est pour cela que je vous parle que de ne faire confiance qu’à un seul avis ne vous fera pas avancer. Si ce docteur Coleman vous apprécie, il comprendra votre démarche. Après tout, c’est le but de chaque médecin de voir ses patients guérir au mieux, non ?

Je n’en démordrai pas. J’avais le pressentiment en écoutant Roxane que ce médecin faisait tout pour la garder dans un cocon, pour qu’elle ne puisse faire que peu de progrès, mais pourquoi une telle démarche ? C’était assez étrange tout cela, tout comme sa réaction d’être la fautive des peu de progrès qu’elle faisait. Elle se rabaissait, elle avait d’elle une image médiocre alors qu’un médecin bienveillant n’aurait jamais pu faire cela à une femme qui avait tant souffert.

- Ne dites plus cela devant moi Roxane. Je ne veux pas que vous vous rabaissiez ainsi. Votre médecin généreux et serviable devrait vous l’interdire de le faire. En quoi seriez-vous moins intelligente que moi ? Que ceux qui se trouvent assis à la table d’à côté ? Tout ça parce que vous avez subi des violences plus jeune ? Non ! Pas du tout ! Ne vous sous-estimez plus. Il vous a offert ce travail pour que vous lui soyez reconnaissante jusqu’à la fin de votre vie. Vous pouvez faire autre chose. Et si vous n’avez pas d’expériences, il y a des formations pour cela et vous en êtes capable !

Ce Coleman, si je ‘lavais en face de moi, je lui foutrai mon poing dans la gueule avec joie ! Il n’était pas en train de guérir Roxane, il l’a manipulait grâce à ses faiblesses et ses peurs. Portant, j’étais allé beaucoup trop loin dans mes pensées. Elle ne croirait pas en un inconnu et je ne voulais pas qu’elle se braque.

- Excusez-moi pour mon emportement. Je n’aurais pas dû, mais s’il vous plait, accompagnez-moi à la Clinique pour voir un autre spécialiste et avoir un autre avis. Après, vous ferez votre choix. On ira là-bas et on demandera la meilleure personne sur les états psychiques.

Pour me pardonner, je l’invitai à l’étage, dans mon bureau, là où elle serait plus au calme et plus apaisée après tous les efforts qu’elle avait faits cette nuit. Je déposai un baiser sur sa main, et comme promis, pour lui éviter d’autres sueurs froides, je nous téléportai pour réapparaitre au milieu de la pièce qui constituait mon bureau personnel. C’était un lieu à la fois professionnel et personnel. Je passais beaucoup d’heures ici et j’avais aménagé cet endroit pour avoir tout sous la main : coin cuisine, coin relaxation avec le divan et coin repas.

L’entendre rire me fit un grand bien.

- Je ne commence jamais par la facilité Mademoiselle Fields et j’aime les défis.

Roxane ressentit les effets de la téléportations, sensations normales quand la personne n’était pas habituée à ce genre de déplacements rapides. Elle tituba et je la rattrapai en passant mon bras autour de sa taille pour la maintenir contre moi.

- Respirez doucement et marchez lentement. Vous allez voir, ça va se dissiper.

Je la conduisis jusqu’au divan et son rire harmonieux revint décorer mon bureau. Il était très agréable de la découvrir sous un autre jour, de voir une jeune femme souriante et pétillante et non plus apeurée et stressée par la foule.

- C’est vrai que la pièce est assez grande ! J’ai fait en sorte d’avoir tout le confort et tout ce dont j’avais besoin, mais, vous me faites marcher ! Votre appartement doit être plus grand que mon bureau !

Même fatiguée, elle accepta ma proposition de repas. Je retroussai les manches de ma chemise et je passai dans le coin cuisine et j’ouvris la porte du frigo pour choisir les aliments pour faire notre repas.

- Mon frigo est toujours plein : que diriez-vous d’une omelette aux lardons et aux champignons ? Tentez ?

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@Nolan McGrath

Roxane pouvait être fière d'elle. Elle avait réussi à faire ce qu'elle n'aurait pas pensé possible à savoir traverser une foule dense sans paniquer. Elle avait bénéficié d'une aide inattendue en la personne du directeur du Five. Elle n'aurait jamais pensé faire une telle rencontre. Timide et réservée, encore paniquée par trop de choses, elle faisait très peu de rencontre. Le jeune homme avait su la mettre à l'aise, lui parler, l'encourager et la guider dans ses premiers pas vers l'inconnu. Il lui avait tenu la main comme pour un enfant qui apprend à marcher. Elle était encore assez proche de cette image d'une certaine façon.

Assise, un verre de jus d'orange devant elle, Roxane s'était un peu décontractée malgré la foule environnante. La main de Nolan sur la sienne la rassurait et calmait un peu son anxiété. Elle parvint même à parler de son enlèvement, de son emprisonnement et des horreurs subies. Elle ne se rappelait que peu de choses mais cette horreur semblait gravée dans son subconscient et elle était bien en peine de s'en débarrasser malgré toute la volonté de son thérapeute, le docteur Coleman. Elle lui devait beaucoup, pour ne pas dire tout et peinait à comprendre pourquoi Nolan n'abondait pas dans son sens. Mais il ne le connaissait pas après tout.

« Personne n'est meilleur que lui ! »

La phrase était sortie avec une certaine violence de la bouche de Roxane. Elle ne s'était pas du tout contrôlée et cela la surprenait comme réaction. Elle n'était jamais comme ça habituellement. Elle se ressaisit assez vite et fut peinée d'avoir élevé la voix. Non, ce n'était vraiment pas son genre d'agir ainsi. Elle pressa sa main sur celle de son compagnon.

« Je suis sincèrement désolée pour votre frère. Je ne saurai dire que je comprends mais je suis contente que vous ayez pu parvenir à dépasser ce traumatisme. Quelque part, cela me donne l'espoir de pouvoir y parvenir à mon tour. Vous savez cela ne fait pas si longtemps que j'ai été sauvée. Les dates se confondent encore parfois dans ma tête mais je ne peux pas espérer aller mieux aussi vite. »

Nolan lui proposa d'aller dans une clinique, voir d'autres médecins, et cela lui fit horriblement peur. L'idée d'avoir avoir à faire à d'autres professionnels n'était pas du tout rassurant pour elle bien qu'elle ne sache pas exactement pourquoi. Elle frisonna de plus belle. La colère du jeune homme la surprit. Pourquoi souhaitait-il tellement prendre sa défense ? Il ne la connaissait quasiment pas pourtant. Son emportement était vraiment étrange et lui faisait un peu peur. Il lui parlait de formation mais elle avait déjà peur de mettre un pied dehors alors suivre une formation, elle ne s'en sentait pas capable. Mais il ne pouvait pas comprendre. Inutile de mettre de l'huile sur le feu. Elle, elle savait ses crises d'angoisse, ses pertes de mémoire, ses moments où elle perdait le fil du temps, elle se couchait un soir pour ne se réveiller que deux voir trois jours après. Une fois, c'était même toute une semaine qui lui avait manqué. Comment expliquer cela ? Qui serait près à confier un emploi à quelqu'un de pas fiable ? L'idée d'aller consulter quelqu'un d'autre ne lui plaisait pas. Cela lui faisait très peur.

« Je préfère en parler au docteur Coleman d'abord. S'il est d'accord alors oui, je vous accompagnerai à la clinique. »

Ce n'était probablement pas ce que l'homme voudrait entendre mais Roxane n'était pas capable de plus en cet instant. Elle était sous le coup de beaucoup trop d'émotions pour parvenir à faire un pas de plus. D'ailleurs, il finit par lui proposer de se retirer dans son bureau ce qu'elle accepta. Cela lui ferait du bien de se retrouver un peu au calme. Mais au lieu d'emprunter des escaliers, Nolan usa de son pouvoir de téléportation. La blonde demoiselle n'avait jamais eu l'occasion de voir un tel pouvoir en action. C'était impressionnant et un peu déstabilisant. La tête lui tournait un peu mais cela ne l'empêcha pas de rire, impressionnée par ce qu'elle considérait presque comme un exploit. Libérée du poids anxiogène de la foule, elle se montrait amusée et joyeuse. Une image bien différente de ce qu'elle était dans la salle du Five. Elle n'hésita pas à plaisanter en disant qu'il aurait pu user de son potentiel pour l'amener à l'autre bout de la salle sans qu'elle n'ait à marcher.

« Oui, je vois ça. J'avoue que moi, parfois, je préfèrerai la facilité. »

Elle rit de nouveau de bon cœur avant de tituber légèrement, rapidement rattrapée par son compagnon qui la guida jusqu'au sofa afin que qu'elle puisse se reposer et attendre que le léger malaise se dissipe. Assise, Roxane observait le bureau qui faisait presque office d'appartement tant il était bien équipé. Il lui donnait même l'impression d'être plus grand que chez elle. Elle était loin d'avoir un appartement imposant. Le luxe n'était pas pour elle.

« Eh bien, au mieux mon appartement doit peut-être faire la même taille mais j'en doute quand même. Mais c'est pas très grave, je n'ai pas besoin de quelque chose de grand. Je vis seule et je ne reçois personne alors un studio me suffit largement. De toute façon, je n'aurai pas les moyens d'avoir mieux. Mon travail n'est qu'un mi-temps et je ne gagne pas énormément. Mais c'est bien aménagé et ça me convient. »

Ce n'était pas le luxe, mais c'était simple et accueillant. Cela lui suffisait mais elle se sentait bien dans ce bureau. L'endroit était confortable et pas seulement fonctionnel. Elle comprenait que Nolan appréciait le lieu. Son goût était sûr et plaisait à la jeune femme. Elle aussi aimerait passer du temps dans un endroit comme ça mais ce n'était pas pour elle. Roxane accepta la proposition de repas. Au moins, elle aurait la chance de ne pas manger seule ce soir et malgré sa fatigue, elle aurait du mal à dormir alors autant profiter pour dîner.

« Oh oui avec joie pour l'omelette. »

Sentant son malaise se dissiper, Roxane se releva. Vérifiant qu'elle n'avait vraiment plus de vertiges, elle rejoignit Nolan dans la partie cuisine. Elle aimait bien faire la cuisine même quand elle était seule.

« Je peux peut-être vous aider ? Vous voulez que j'émince les champignons ? »

Rester inactive n'était pas son genre et quand elle travaillait, elle laissait de côté ses peurs, se concentrant sur la tâche à réaliser. Rester à ne rien faire sur le canapé et laisser le jeune homme tout faire la gênerait profondément. Et puis, ce serait plus agréable de cuisiner à deux s'il voulait bien.

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Je n’étais pas paranoïaque au point de voir en ce médecin qui la soignait et qui prenait soin d’elle depuis son enlèvement, un homme étrange et vicieux, mais tout de même … quelque chose ne tournait pas rond dans le comportement de cet homme.
J’avais été suivi par de nombreux spécialistes après la mort de mon jumeau et tous avaient été d’une grande aide, chacun à leur manière, chacun avec leur traitement. Là, Roxane m’expliquait que depuis toutes ces années, elle n’avait été suivie que par un seul médecin. Pourquoi ? Alors qu’elle luttait tous les jours pour progresser ? Qu’elle aurait pu être entourée de plusieurs spécialistes pour l’aider encore plus ? Si je ne connaissais pas ce Docteur Coleman, j’avais un recul sur la situation, un regard neutre que la jeune femme ne possédait pas ou qu’elle ne désirait pas voir. Elle lui faisait confiance aveuglément. Je pouvais comprendre qu’il avait été la main protectrice, le bras du réconfort, mais elle n’avait pas véritablement fait de progrès durant tout ce temps.

La réaction vive et presque violente de Roxane à propos de ce médecin m’interloqua. Pouvait-elle être manipulée par cet individu ? Pouvait-elle être sous son emprise de quelque manière que ce soit ? Comment lui réponde devant une telle ferveur envers un homme qu’elle considérait comme un Saint et un Sauveur ? La main de la jeune femme sur la mienne me fit comprendre qu’il était vain de continuer sur cette voie avec elle.

- Posez-vous les bonnes questions Roxane. Faire confiance aveuglément à une personne c’est aussi remettre sa vie entre ses mains. Que votre enlèvement date d’il y a des années ou bien qu’il soit plus récent, tout individu fait des progrès, lentement pour certains, mais des progrès. Demandez-vous au fond de vous si depuis tout ce temps vous ne stagnez pas dans vos cauchemars et pourquoi ?

Que lui dire de plus si elle ne voulait pas ouvrir les yeux ? Je ne voulais pas me disputer avec elle. Je ne la connaissais que depuis ce soir et je ne pouvais pas me mêler de sa vie de cette façon-là. Ce Coleman était partout et même dans chacune de ses décisions. Même pour m’accompagner à la clinique, elle devait lui demander son autorisation. Ne voyait-elle donc pas à quel point elle était asservie par ce type ? Ça ne servirait à rien de continuer à discuter sur ce sujet. Son docteur aurait la priorité sur tous ses gestes et ses actions.
Je hochai la tête évitant ainsi de libérer tous mes mots que j’avais encore à lui dire.

Je lui proposai de finir cette soirée à l’étage, dans mon bureau, là où elle pourrait mieux se détendre qu’au milieu de la foule de clients. Elle accepta et pour lui éviter à nouveau, à devoir combattre ses peurs, je lui proposai de nous téléporter directement là-haut.
Si j’aimais les défis, la demoiselle aimait parfois la facilité.

En un clin d’œil nous fûmes transportés à l’étage pour réapparaitre au milieu de la grande pièce qu’était mon bureau. Roxane trouva que cette pièce était plus grande que son propre appartement. Un studio dans lequel elle vivait toute seule. Son métier à mi-temps ne lui permettait pas de se payer un plus grand appartement.

- Je vous offrirai bien un travail de serveuse ici, mais votre peur de la foule vous handicaperait tous les jours et venir travailler avec la peur au ventre, ce n’est pas idéal. Ho mais attendez ! Roxane, j’ai trouvé !

D’un mouvement de ma main, je lui présentai mon bureau où tout un tas de dossier s’empilaient les uns sur les autres.

- J’ai besoin d’une assistante à mi-temps. Quelqu’un qui s’occuperait des bons de commandes, des salaires du personnel, de leur planning, les factures du Five. Vous pourriez venir le matin ou l’après-midi en complément de votre emploi du temps à la bibliothèque. Qu’en pensez-vous ?

J’avais besoin de quelqu’un d’organisée et de méthodique, quelqu’un qui me soulagerait dans l’administratif et de plus, Roxane aurait donc un second emploi à mi-temps qui lui ferai gagner un peu plus d’argent. Roxane accepta de diner avec moi et je lui proposai une omette aux lardons et aux champignons.
Le coin cuisine n’était pas très grand, mais il disposait d’un plan de travail où je déposai les champignons, un couteau et une planche à découper

- Je vous en prie Mademoiselle, avec plaisir ! Je vous laisse les champignons !

Je fis revenir dans une poêle les lardons avec un peu d’huile lentement pendant qu’elle éminçait les champignons.

- Une fois coupés, ajoutez-les dans la poêle. Je vais sortir les œufs et un saladier.

La bonne odeur commençait à se dégager de la poêle où les lardons et les champignons cuisaient ensemble. Je cassai les œufs dans le saladier, j’ajoutai un peu de sel, de poivre, un filet de crème de liquide, puis je battis énergiquement la préparation que je présentai à Roxane.

- A vous l’honneur, versez le tout sur les lardons et les champignons.

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@Nolan McGrath

Roxane pouvait être fière d'elle. Elle avait pris son courage à deux mains pour parvenir dans ce bar. Si elle avait eu très vite l'envie de fuir, elle avait réussi à rester. La présence de Nolan y était pour beaucoup, bien sûr. Sans lui, elle aurait tourné casque depuis bien longtemps. Tel Moïse, le propriétaire du Five avait fendu la foule pour lui permettre le passage afin d'atteindre la Terre promise qui était un canapé confortable. Pour récompense, à défaut de lait et de miel, ce fut un jus d'orange qui la réconforta. Une discussion plus personnelle s'engagea alors entre eux. Roxane parla de son passé mais évoqua aussi son passé tourmenté. Nolan avait, lui-aussi, connu la douleur. La blonde avait du mal à imaginer ce que pouvait représenter la perte d'un frère mais elle savait ce que c'était de perdre sa famille. Ses parents avaient été tué lors de son enlèvement et leur mort était encore très présente en elle. Elle ne pouvait que compatir à la peine de l'homme mais était quelque part rassurée de voir que l'homme menait une vie « normale ». Un jour, peut-être qu'elle y arriverait aussi. C'était réconfortant pour elle.

La discussion prit un tour moins agréable quand Nolan évoqua la possibilité pour Roxane de voir un autre médecin. La jeune femme n'envisageait pas du tout cette option. Une part d'elle avait bel et bien conditionnée pour éviter l’ingérence de tout autre praticien. Roxane ne s'en rendait bien sûr pas du tout compte. C'était juste une pure évidence pour elle.

« Je ne stagne pas vraiment. Je progresse très doucement, c'est tout. Le docteur Coleman est le meilleure dans son domaine. Il a même ses entrées au Conseil de la cité. Il est consultant pour l'armée et la milice. »

C'était quasiment une fin de non recevoir pour le moment. Coleman avait tout pouvoir sur elle sans qu'elle ne s'en rende compte. Conditionnée depuis de très nombreuses années, elle ne se rendait plus compte de rien et ce n'était pas avec une simple conversation avec un quasi inconnu qui allait tout remettre en question du jour au lendemain.

Finalement, Nolan proposa de fuir la foule et de se retrouver dans son bureau. Une idée qu'elle accueillit avec soulagement et la téléportation la surprit autant que ça la soulagea et l'amusa. Elle qui avait si peu de capacités, elle était époustouflée par un tel talent même si la tête lui tourna très vite et elle dut trouver le secours du canapé. Cela lui donna le temps d'admirer le bureau à la fois fonctionnel et beau. Son appartement était à peine plus grand et moins bien agencé. Elle ne gagnait pas assez pour pouvoir se payer quelque chose de mieux. Et voilà que Nolan lui proposait un travail. Pas serveuse, bien sûr, c'était impensable mais assistante. Roxane resta interdite un petit moment. Elle n'aurait jamais imaginé ça. Elle ne répondit d'ailleurs pas tout de suite, le temps de digérer l'information. D'ailleurs, il enchaîna sur l'idée du repas ce qu'elle approuva et elle alla lui donner un coup de main.

Se relevant, elle se poster près de lui, se lava les mains avant de commencer à peler les champignons avant de prendre un couteau et de les émincer avec une certaine aisance. Cuisinier était un plaisir simple qu'elle appréciait beaucoup.

« Merci pour la proposition mais je pense pas être compétente pour vous assistez. Je n'ai pas de formation, je n'ai pas fait d'études bien sûr. J'ai eu une petite formation de base à la bibliothèque et le travail est assez répétitif. Vous allez perdre beaucoup de temps si vous voulez me former et je serai plus un poids plus qu'un soulagement. En plus, y'a des jours où... je risque de ne pas être là. J'ai parfois des absences et ça dure de quelques heures à quelques jours. Je ne m'en rappelle jamais. Je vois juste la date qui a changé comme les heures. Le docteur Coleman a réussi à négocier un accord avec la bibliothèque pour qu'il ne me renvoie pas pour mes absences mais je ne peux pas imposer ça à qui que ce soit d'autre. »

Elle n'osa pas vraiment ajouter qu'il faudrait aussi qu'elle demande l'accord du médecin mais vu ce que Nolan avait dit de lui un peu plus tôt, Roxane préférait laisse ce point de côté pour le moment. Elle ajouta les champignons dans la poêle avant qu'il ne s'occupe des œufs. Le sourire aux lèvres, enfin détendue, Roxane le regardait faire et apprécia qu'il la laisse verser la préparation ce qu'elle fit avec adresse.

« Merci pour votre proposition en tout cas. Ça sent drôlement bon en tout cas. Vous êtes un vrai chef ! »

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J’avais bien compris qu’il était inutile de continuer sur cette voie-là, concernant le Docteur qui suivait Roxane depuis son enfance. Je n’étais qu’un inconnu pour elle qui s’immisçait dans sa vie privée et je ne ferais que la braquer encore plus. J’espérais intérieurement que la jeune femme finirait par réfléchir à mes paroles avec le temps et qu’elle ouvrirait enfin les yeux sur cette situation particulière qu’elle vivait avec son … bourreau.

La foule était sa plus grande peur et si elle avait fait un progrès fou en quelques heures dans cette salle bombée du Five, j’invitai Roxane à passer le reste de la soirée dans mon bureau. Pour lui éviter des efforts terribles, elle en avait fait assez comme ça, je lui facilitai la tâche en nous téléportant à l’étage. Elle m’expliqua que son travail à mi-temps à la Bibliothèque ne lui permettait de pouvoir se payer le loyer d’un appartement plus grand. Ma première idée était bien de lui proposer un poste de serveuse, mais cela ne collerait pas avec sa peur des gens. Je lui montrai, alors, mon bureau qui croulait sous de nombreux dossiers. J’avais besoin d’une personne pour me seconder, pour mettre à jour les bons de commandes et leurs suivis, les plannings des employés, classer les factures et tout ce qui pouvait toucher à la gestion d’un bar.

Roxane ne se sentait pas à la hauteur de ce travail. Ses compétences étaient limitées et elle ne voulait pas me faire perdre de temps en la formant.

- Je n’ai pas fait d’études de commerces ou en économie. J’ai appris au fil du temps et avec l’ancien propriétaire.

Cet ancien propriétaire qui était mon père. Un mot que je ne pouvais plus prononcer tant j’avais coupé les liens avec lui au grand dam de ma mère qui me téléphonait presque tous les jours pour me demandait de faire la paix avec lui.

- A force, ça va devenir répétitif aussi, une fois que vous serez à l’aise dans chaque domaine de la gestion. Réfléchissez-y, je serais content de vous montrer comme tout cela fonctionne. Et pas besoin que votre Docteur Coleman négocie quoi que ce soit avec moi pour vous. Vous pourrez faire vous-même votre planning, venir les jours et les heures qui vous conviendra.

Je retirai la poêle qui contenait les lardons, je ne voulais pas les brûler à cause de ce Docteur Coleman qui revenait encore une fois dans la conversation. A la différence de Roxane, je n’avais pas besoin de son avis ni de ses conseils. Pourquoi ne voyait-elle pas que sa relation avec cet homme était malsaine pour son rétablissement ? J’étais impuissant face à cela et je devais apaiser toute cette colère en moi pour ne pas effrayer la jeune femme.

Une fois les œufs battus, Roxane s’occupa de verser le tout sur les lardons et les champignons et remettre la poêle sur le feu pur surveiller notre délicieux diner.

- Je suis peut-être un vrai chef, mais la cuisson, c’est vous qui vous en chargez ! Je compte sur vous.

Je sortis d’un meuble deux assiettes, les couverts et les verres que je plaçai sur la petite table. Un sous plat pour poser la poêle quand le repas sera prêt et du pain. Je gardais toujours quelques bonnes bouteilles pour ma propre consommation personnelle.

- Vous aimez plutôt le rouge ou le rosé ?

J’attendis qu’elle me réponde pour déboucher la bonne bouteille et remplir les deux verres.

- La seule chose que je n’ai pas, c’est le dessert. Mais, ce qui est bien, c’est d’avoir un établissement comme le Five juste au-dessous de nous. Le soir, j’ai un commis de cuisine qui réalise des petits plats simples ainsi que des desserts. Ce soir, à la carte du Five, il y a tarte aux pommes et mousse au chocolat. J’irai chercher nos desserts quand ça sera le moment.

La bonne odeur se dégageait dans le bureau.

- Je commence à avoir faim ! Ça sent très bon !

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